Droit du travail : Contrat de travail du salarié étranger CDD ou CDI ? Changement d’orientation

mai 24, 2021 Adil Daoui 0 Comments

Les tribunaux marocains ont durant longtemps, appliqué à la lettre, les dispositions de l’article 516 du code du travail qui dispose ce qui suit :

« Tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Cette autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail. La date du visa est la date à laquelle le contrat de travail prend effet.»

Or, le modèle de contrat fixé par le ministère de l’emploi stipule que la durée du contrat ne peut dépasser 12 mois. Ce qui implique que même en cas de renouvellement du contrat, à plusieurs reprises, de façon successive, sans interruption, le salarié étranger est dans une relation de travail à durée déterminée CDD, et cela même si la relation de travail dure des années.

Cette lecture du code du travail a été celle de la cour de cassation, qui s’est exprimée par des arrêts rendus sur le sujet, à titre d’exemple, les arrêts suivants :

« Le contrat de travail du salarié étranger est soumis au visa de l’autorité gouvernementale en charge du travail, et le non-respect de celui-ci entraîne l’absence de toute relation de travail entre l’employeur et l’employé étranger ». Arrêt de la cour de cassation N° : 1043 en date du 08/09/2011 dossier N° 955/1/5/2010.

« Le législateur n’a pas fait de distinction entre le salarié étranger et l’employeur marocain lorsqu’il emploie le salarié étranger, tous deux étant soumis aux dispositions de l’article 516 du Code du travail, il est donc nul, le contrat de travail, en l’absence du visa de l’autorité gouvernementale en charge du travail. ». Arrêt de la cour de cassation N° : 570 en date du 24/04/2014 dossier N° 262/1/5/2013.

Cette position constante de la cour de cassation, basée sur l’article 516 du code du travail, se trouvait pourtant, en contradiction avec les dispositions de l’article 16 de la même loi, qui dispose ce qui suit :

«Le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que dans les cas suivants :

1. le remplacement d’un salarié par un autre dans le cas de suspension du contrat de travail de ce dernier, sauf si la suspension résulte d’un état de grève;

2. l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3. si le travail a un caractère saisonnier. »

Cet article instaure le principe légal, qui est la règle en matière de contrats de travail. En effet, un contrat de travail doit être conclu pour durée indéterminée CDI, mais ce même article autorise des exceptions à la règle générale, qui est le contrat à durée déterminée CDD, mais seulement, dans les cas prévus expressément, dans une liste exhaustive, par le même article.

Il est clair que l’article 16 ne prévoit pas le cas du salarié étranger, comme exception pouvant permettre de considérer son contrat cas comme CDD, ce qui implique que le contrat du salarié étranger doit être considéré comme CDI.

De ce fait, la cour de cassation a changé sa position sur cette question, et a adopté une nouvelle lecture de la législation du travail, ce qui s’est traduit pas des arrêts rendus sur la question, à titre d’exemple, les arrêts suivants :

« Attendu Que »Le contrat conclu entre le salarié étranger et l’employeur stipule qu’à l’expiration du visa de l’autorité gouvernementale, en date du 05/08/2014, le contrat est considéré comme arrivé à son terme, et qu’il n’y a, donc, pas lieu d’exiger le respect de la procédure de licenciement, ni de discuter la gravité de la faute reprochée au salarié ». C’est là, une mauvaise application de la loi. Cette décision est entachée de violation des dispositions légales.» Arrêt de la cour de cassation N° : 1435/1 en date du 25/12/2018 dossier N° 461/1/5/2017

« La décision qui a considéré que »Malgré la continuité de la relation de travail entre le salarié étranger et l’employeur, tout au long de cette période, son contrat et reste soumis aux exigences légales prévues par le code du travail, et du visa de l’autorité gouvernementale en charge du travail qui détermine la durée, lui confère le caractère déterminé, qui se termine à l’expiration de sa période spécifiée dans le visa. » Est une décision sans fondement légal, qui n’est pas suffisamment motivée, et qui est soumise cassation. » Arrêt de la cour de cassation N° : 936/1 en date du 16/10/2018 dossier N° 1743/1/5/2016

La cour de cassation a ainsi, instauré le principe d’équité entre le travailleur national et le travailleur étranger devant la loi du travail, et que la distinction entre contrat CDI/CDD doit être basée sur la liberté contractuelle, la nature du travail, et la conjoncture de l’emploi. Une distinction en fonction des éléments objectifs, abstraction faite de la nationalité du salarié.

Me. Adil Daoui

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