Erreur médicale: Responsabilité du médecin ou de la clinique? La cour de cassation répond

mai 24, 2021 Adil Daoui 0 Comments

La médecine est l’art de guérir, elle prend une place prépondérante et incontournable dans la vie de chaque citoyen, or l’intervention du corps médical peut, parfois, s’avérer dommageable au patient. Dans ce cas, il faut garder à l’esprit que la Médecine promet au patient le soin, elle ne promet pas la guérison, la responsabilité légale du corps médical se limite à employer tous les moyens possibles pour arriver au résultat voulu. Comme le disait le célèbre chirurgien français de la renaissance Dr Ambroise PARÉ (1509-1590) « Je le soignais, Dieu le guérit ».

De ce fait, on ne peut pas dire qu’un médecin est responsable lorsqu’il n’a pas réussi à sauver la vie de son patient, mais on peut dire qu’un médecin est responsable lorsqu’en voulant le sauver, il a commis une faute «une erreur médicale» qui a coûté la vie à son patient.

Ainsi la responsabilité légale du médecin est basée sur la faute, non pas sur l’absence du résultat escompté.

Nombreux sont les procès intentés devant les tribunaux, pour réparation du dommage subi, suite à une intervention médicale, et pour répondre à des questions d’ordre technique les tribunaux font appel à des experts judiciaires, qui établissent des rapports d’expertise.

La cour de cassation, s’est exprimée par des arrêts rendus sur le sujet, à titre d’exemple, les arrêts suivants :

« Le 1er expert : Le médecin qui a continué à essayer d’accoucher la mère de manière normale, même après avoir constaté une forte diminution de la fréquence cardiaque du fœtus, et n’a pas pratiqué une césarienne pour l’extraire, n’a pas respecté les règles de l’art d’usage en la matière, ce qui peut être considéré comme une faute, qui a causé une hémorragie à la mère, laquelle est revenue stérile par la suite, et a causé une invalidité permanente au fœtus.

Le médecin qui a orienté les parents vers une clinique qui ne dispose pas des équipements nécessaires aux nouveaux nés, et aux bébés prématurés, est responsable.

Le 2ème expert : Le dossier médical de suivi révèle que le médecin qui a accueilli la patiente dans son cabinet et l’a ensuite orienté vers une clinique a rempli son rôle, et que la clinique qui ne dispose pas d’une couveuse pour les bébés prématurés est responsable du dommage subi par la mère et son bébé.

Position de la cour de cassation : « Responsabilité de la clinique dans l’absence de demande contre le médecin. Le tribunal est libre de prendre en considération l’expertise qui lui semble la plus judicieuse, comme il peut baser son jugement uniquement sur une partie de l’expertise, du moment qu’il argumente sa décision. » Arrêt de la cour de cassation N° : 127/3 en date du 07/03/2017 dossier N° 3424/1/3/2015

« La relation liant les médecins vacataires à la clinique – même à titre provisoire- ne prend pas fin par l’achèvement de l’opération effectuée au patient, sur sa demande par des moyens et équipements nécessaires fournis par la clinique, en contrepartie d’une rémunération. La clinique demeure civilement responsable des fautes commises par ces médecins dans l’exercice de leur profession en son sein, et ce en vertu de la relation de dépendance découlant de ce contrat spécial. » Arrêt de la cour de cassation N° : 1081/9 en date du 04/07/2001 dossier N° 4186/98

« Le chirurgien, quelle que soit la nature de la chirurgie qu’il pratique, qu’elle soit esthétique ou thérapeutique, est obligé de faire attention, de ne pas négliger, de faire le nécessaire, de prendre toutes les mesures possibles, et que sa responsabilité commence avant même que la chirurgie ne soit pratiquée. S’il manque à son obligation d’informer et d’éclairer le patient de tous les dangers et conséquences pouvant résulter de l’opération, et l’étendue de la probabilité de son succès ou échec. » Arrêt de la cour de cassation N° : 4607 en date du 25/10/2011 dossier N° 4976/1/3/2009

« Lorsque le tribunal a jugé que le centre de transfusion de sang était pleinement responsable des dommages causés au patient suite à l’injection de sang contaminé pendant la chirurgie, car le Centre dispose des moyens techniques, scientifiques et médicaux pour contrôler la qualité du sang, le tribunal doit aussi indiquer dans sa décision comment la responsabilité totale du Centre a été démontée, et les raisons d’exclure la responsabilité de la clinique et du médecin.

Et comme il n’a pas été possible de déterminer l’auteur et responsable principal parmi eux, ou qu’il n’a pas été possible de déterminer de manière précise la contribution de chacun, au dommage, c’est l’article 99 du code des obligations et des contrats qui dispose ce qui suit :  » Si le dommage est causé par plusieurs personnes agissantes de concert, chacune d’elles est tenue solidairement des conséquences, sans distinguer si elles ont agi comme instigateurs, complices ou auteurs principaux. » qui doit être appliqué. » Arrêt de la cour de cassation N° : 113 en date du 25/02/2014 dossier N° 4265/1/3/2012

Ainsi, la cour de cassation insiste sur le principe de « nulle responsabilité sans faute » pour le corps médical, mais rappelle par ailleurs, l’obligation d’information dans sa forme la plus étendue, à l’égard du patient.

Me. Adil Daoui

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